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Disorder in Discipline-



Sunday 13 October 2013

Quote: Arnaud Viviant



«Ils avaient vécu l’âge d’or du métier, quand on pouvait devenir copain avec Bruce Springsteen rien qu’en l’interviewant, se débrouiller pour que Selby vende plus de livres en France qu’aux Etats-Unis, avoir Iggy Pop qui squatte à la maison après un concert et pour les plus fous se fixer avec Johnny Thunders. Ils avaient imposé le gonzo journalisme à la française, avec le Pléiade de Baudelaire qui dépassait de la poche du 501. A cette époque, le critique était un demi-dieu que les artistes respectaient ou suspendaient dans le vide du premier étage de la Tour Eiffel, comme les Stranglers, racontaient-on dans les chaumières, l’avaient fait avec Philippe Manœuvre.
Mais quand, avec quelques amis, il était arrivé dans le métier, c’était déjà la fin de la soirée, la plupart des anciens avaient déserté, et il ne restait plus que des cadavres de bouteilles et des mégots écrasés dans le gâteau profané, ainsi qu’un pauvre ivrogne écroulé dans un coin. Le dj était déjà parti avec ses disques. Dans l’atmosphère assombrie, un unique couple dansait un slow bancal sur de la musique planante, au demeurant plutôt grecque qu’allemande. Et elle était diffusée à très faible volume, les voisins ayant fini par se plaindre du bruit. Alors, en se partageant un fond de vodka tiède arrachée aux mains elles aussi tièdes du Booz endormi, ses amis et lui comprirent qu’ils étaient venus pour éteindre les lumières, ce qui leur prit tout de même près de vingt ans.»
(p. 31)

Passage admirable d'un bon livre et soutien indéfectible à celui qui, d’un coup de fil, changea ma vie. C'était, oh my fuckin' god!, il y a déjà quinze ans.

Arnaud Viviant, La Vie critique, Belfond, Paris, 2013
Pix: Paul Simonon & Debbie Chronic by Bob Gruen, 1980

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